OLIVIER DE BRUYN
Féminisme
« Titane », palme d’or de l’esbroufe et de la confusion 19/07/21 Marianne
Le jury du 74ème Festival de Cannes s’est « distingué » en décernant sa palme d’or à « Titane », le film d’horreur de la Française Julia Ducournau. Un prix qui honore une fiction évoquant dans des flots d’ultra violence et dans la plus grande confusion des thématiques contemporaines : clouage au pilori de la masculinité toxique, éloge d’un féminisme hardcore, apologie des mutations transgenres… Retour sur une consécration qui interpelle.
« Un film dont la présence en compétition interroge », avons-nous écrit la semaine dernière alors que « Titane », de Julia Ducournau était projeté en compétition au Festival de Cannes devant des professionnels de la profession divisés entre supporters extatiques et spectateurs pour le moins dubitatifs. Nous avions tort. « Titane » est reparti du palmarès avec la palme d’or, la seconde dans l’histoire du Festival venant récompenser une réalisatrice après celle obtenue par Jane Campion en 1993 pour « La leçon de piano ».
Célébrer (enfin !) une nouvelle fois une femme derrière la caméra : le jury présidé par Spike Lee a de fait marqué l’histoire de la plus grande manifestation cinématographique internationale. Hélas, cette palme honore une « œuvre » qui, comme tout un chacun peut le constater depuis mercredi dernier, jour de la sortie de « Titane » dans les salles, se caractérise surtout par sa confusion intellectuelle et par sa médiocrité esthétique façon David Lynch et David Cronenberg pour les nuls.
Les vertus du « monstre ».
En retraçant à grand renfort de surenchères gores, les aventures horrifiques d’une serial killeuse qui exécute ses victimes avec une généreuse imagination trash et entame une relation avec un sapeur pompier bodybuildé (Vincent Lindon), par ailleurs père meurtri d’un gamin disparu, Julia Ducournau assène quelques « grands » messages rayon féminisme guerrier, apologie des états mutants, identités en lambeaux et culture machiste toxique. Autant de thèmes que la cinéaste aborde avec la grâce du bourreau et avec une confusion idéologique à bien des égards symptomatique de notre époque.
Sur scène à l’heure de recevoir son prix, Julie Ducournau, émue et émouvante, a loué les vertus émancipatrices de la « monstruosité » (sic), appelé de ses vœux que le cinéma ébranle les « murs de la normativité » (re sic), autant de mots d’ordre que « Titane » met en image dans un grand huit horrifique balisé par des « scènes » et images chocs (quelques vomissements et évanouissements ont « émaillé » la projection cannoise, raconte la légende de la Croisette) où l’on peine à discerner l’exercice d’un regard et d’une pensée vraiment transgressifs.
La nécessité est ailleurs.
Honorer ce féminisme trash à Cannes n’était pas nécessairement une excellente idée. Ni pour le cinéma ni pour le… féminisme en cette édition où plusieurs films bien plus ambitieux évoquaient de vrais sujets et de funestes réalités avec une toute autre exigence de fond et de forme. Ainsi, « Lingui, les liens sacrés », de Mahamat Saleh Haroun, un film puissant sur l’interdiction de l’avortement au Tchad, la culture du viol et de l’excision et l’influence délétère de l’obscurantisme religieux. Ainsi, « Haut et fort », du Marocain Nabil Ayouch, sur une bande de jeunes filles et garçons qui, à Casablanca, dans un centre culturel, luttent pour combattre les puissances politiques et religieuses liberticides, en premier lieu celles qui aspirent à réduire les femmes à néant.
Ces deux films offensifs et en rien poseurs, ces deux films où féminisme et nécessité sont indissociables, ont été « superbement » oubliés par le jury et souvent traités avec mépris par la presse française qui a préféré consacrer des dithyrambes à « Titane » et à ses improbables messages. C’est un choix…