FRONTPOPULAIRE
Thomas contre Mourad : indignations sélectives dans une France communautarisée
La Rédaction
21/11/2023
Pour le moment, le profil des agresseurs et le motif de l’agression n’est pas connu. Sept personnes ont été interpellées aux environs de Toulouse en début d’après-midi, a annoncé le ministère de l’Intérieur. Toujours est il que le parquet de Valence et la gendarmerie de la Drôme ont ajouté le la circonstance aggravante de « bande organisée » à l’enquête ouverte pour « homicide volontaire » et « tentative d’homicide », « au vu de la fuite des auteurs, de leur pluralité et de la multiplicité des victimes ». Dans son communiqué, le parquet estime avoir à faire à « ce qui apparaissait plus comme une expédition programmée par les individus ayant affronté les gens de la soirée ».
L’orchestre médiatique a joué son habituelle partition, parlant tour à tour d’une « rixe », d’une « bagarre » qui aurait dégénéré, de « troubles-fête »… Tous les euphémismes sont bons pour relativiser la gravité des faits. BFM TV a même eu le bon goût de se demander, sur un bandeau, si cette scène barbare à Crépol n’était pas « du pain béni pour l’extrême droite ». Tout compte fait, c’est déjà mieux que Mediapart, qui n’a même pas jugé utile de relater la tragédie.
Flagrant délit de cécité
Les réactions n’ont pas tardé à apparaître ce lundi 20 novembre, notamment à droite de l’échiquier. « Fêtes de village, mariages, fêtes d’anniversaire… depuis quelques années, des villages ruraux sont victimes de véritables razzias. Attaques au couteau, agressions d’une brutalité inouïe : la dernière a fait un mort, un gamin… Plus personne n’est à l’abri. Trop, c’est trop ! » a réagi Marine Le Pen. Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a renchérit : « Ce qui s’est passé au bal de Crépol, village de la Drôme, n’est pas une simple « rixe », comme le disent les médias : c’est l’effet d’une sauvagerie qui bouleverse des vies et en brise d’autres. » Gérald Darmanin a quant à lui dénoncé « l’ensauvagement » de la société, évoquant « une faillite générale de notre société ».
Quant à La France insoumise, elle a rapidement été prise en flagrant délit de cécité — tout portant à croire que celle-ci soit volontaire. Le mouvement s’est empressé de se jeter sur le moindre fait divers à même d’allumer un contre-feu. Ce vendredi 17 novembre, à Villecresnes (Val-de-Marne), la camionnette d’une société de jardinage bloquait une allée. Un homme de 75 ans excédé est sorti de sa voiture et a pris à partie les employés en proférant des insultes racistes. «Oh je suis chez moi les bourricots !», a lancé le septuagénaire aux employés avant de les traîter de « bougnoules ». La situation montant en tension, le vieil homme a sorti un cutter de sa voiture et a fini par asséner une entaille d’une dizaine de centimètres à la gorge de l’un des jardiniers, Mourad, 29 ans. « À quelques centimètres près, il aurait pu toucher la jugulaire ou la carotide. Mon client a cru mourir », s’est insurgé son avocat. L’auteur a été rapidement interpellé et mis en examen pour « violences volontaires avec armes » et « injures à caractère racial ».
Comparaison hasardeuse
Avec toute la subtilité qu’on lui connaît — et sans avoir un seul mot pour le jeune Thomas —, Jean-Luc Mélenchon a condamné une «ignoble tentative d’égorgement arabophobe». Le chef de file de LFI a rapidement été suivi par la plupart de ses lieutenants comme Louis Boyard, député du Val-de-Marne Louis Boyard, qui a dénoncé un « crime raciste qui doit être jugé comme tel. Du racisme ambiant à l’homicide, il n’y a qu’un pas », a-t-il ajouté. Même ton pour Mathilde Panot ou Raquel Garrido, qui n’ont pas jugé utile de présenter leur hommage à la famille de l’adolescent tué à Crépol. Quant au patron du PS, Olivier Faure, il a dénoncé un «racisme en roue libre » à l’encontre de Mourad en accusant « l’extrême-droite » d’être « directement responsable de ces crimes » en « décomplex[ant] jour après jour le racisme notamment anti musulmans ». Pour le jeune Thomas, le Premier secrétaire du Parti socialiste s’est contenté de retweeté le message du secrétaire général Pierre Jouvet… et de dénoncer la « récupération » de Marion Maréchal.
Il a fallu attendre ce mardi 21 novembre pour que certains élus insoumis sortent de la tranchée. Éric Coquerel a adressé « toutes [ses] pensées à sa famille et à ses proches » tout en appelant « à éviter toute récupération politique de ce drame. » Son collègue député, Christophe Bex, a réagi : « Le meurtre de Thomas par une horde de barbares à Crepol me choque tout autant que la tentative de meurtre contre Mourad par un détraqué raciste. L’indignation sélective rajoute de la honte à la honte. Pour Thomas comme pour Mourad, nous demandons justice. »
Quant à François Ruffin, il a dénoncé « une violence gratuite, débridée, cruelle » à Crépol et l’agression subie par Mourad. « Quels sentiments nous habitent, tous, toutes, confrontés à ces faits ? La colère contre les violents. La compassion, la tendresse pour les victimes, pour leurs familles. Simple, évident, universel. Pourtant une ambiance pesante, insidieuse, non-dite, règne dans les médias, sur les réseaux sociaux : comme s’il fallait choisir son camp, selon l’origine réelle ou supposée des victimes ou des agresseurs. “Être Thomas” ou “être Mourad”. Bref, comme si, qu’importe les sujets désormais, la règle était devenue l’hémiplégie, la demi-cécité dans notre humanité. » Un discours universaliste de bon sens — à ce titre, le silence à droite sur l’agression de Mourad est également condamnable —, qui a le défaut de mettre sur un même plan une agression physique avec une expédition punitive ayant provoqué un mort et deux blessés graves.