L’IDIOTE DU VILLAGE
L’idiote du village
Elle lavait le linge de tout le monde comme personne…
Ramassait à la peine les feuilles d’automne.
Elle faisait partie du décor, corps à corps déchiré jusqu’en son nom oublié..
Les gamins la moquaient.
Les anciens la respectaient.
C’est que lors d’une période trouble, la belle dame prit faits et armes pour la liberté, fut dénoncée et torturée mais ne pipa ni mot ni nom des compagnons de route, jusqu’à en oublier le sien.
La calomnie s’habille de toutes les couleurs de la vie mais porte bien son manteau de trahison…
Elle oublia jusqu’au nom de son bourreau, pas celui qui lui massacra ventre et dos, elle ne le connaissait pas, mais celui de la bête qui la livra à ses semblables nazis…
Quelques uns lui firent même payer de s’en être échappée, les loups ne quittèrent jamais sa terre…
Elle survécut…vécut…mourut.
L’idiote du village partit comme elle avait vécu avec dignité.
On trouva dans la poche de son tablier, un tout petit bout de papier griffonné presqu’effacé. Des bruits circulaient que c’était la missive d’un doux amant qu’elle garda là comme son unique trésor…Mais les bruits circulèrent si fort qu’on trouva un homme fouillant sa demeure en hyène répugnante. Quelques fidèles dignitaires tapis dans l’ombre le virent déconfit dans ce face à face silencieux. La bête s’effondra, creva comme elle avait vécu la peur au ventre, la haine dans les yeux.
Tous les anciens rendirent hommage à leur sœur de village de cœur de valeur et gravèrent sur sa stèle tout le respect dû à son engagement ! Un absent fut remarqué, le dernier des monstres avait payé, aucun royaume aucun paradis ne l’attendait. Il fut son propre bourreau…Son propre enfer.
Les anciens reprirent leurs occupations, les gamins jouaient et criaient, le vent soufflait dans la plaine, on aurait dit qu’il murmurait une confidence… la plaine est vide…